L’affaire GDF Suez et ses ramifications au Québec

Publié le par jdor

Puissant article de Richard Le Hir, qui concerne aussi bien la France que le Québec. Mes préventions, vieilles de 9 ans, contre Nicolas Sarkozy sont, ici, totalement justifiées. Il y a de quoi être profondément écoeuré par ce qui ressemble à diverses collusions entre le groupe Desmarais/Frère et le pouvoir qui vient d’être sorti en France. Tout cela justifierait une sérieuse prise en compte par la Justice française. (Jean Dornac)


Ou comment le pauvre citoyen se fait déposséder des deux côtés de l’Atlantique

auton2138-fa310Richard Le Hir
Tribune libre de Vigile - mardi 29 mai 2012      

 

SnapShot_120529_230553-70757.jpgDans les jours qui ont suivi le lancement de mon livre (Desmarais : la Dépossession Tranquille, Éditions Michel Brûlé), un lecteur de Vigile a eu l’amabilité de porter à mon attention un article qui paraissait le jour même sur le site français Médiapart où il était question des manœuvres à l’issue desquelles le tandem Paul Desmarais/Albert Frère avait pu prendre le contrôle de GDF Suez, un géant mondial de l’énergie, et premier producteur indépendant d’énergie au monde.

Cette affaire illustre à la perfection le « modus operandi » de l’empire Desmarais et la similarité de son approche d’un côté de l’Atlantique comme de l’autre.

Il faut d’abord savoir que GDF Suez est le produit d’une fusion survenue en 2007 entre Gaz de France, une société mixte dans laquelle l’État français détenait 70 % des actions, et Suez, une société privée au conseil d’administration de laquelle siégeaient alors Albert Frère et Paul Desmarais fils.

Du fait de la participation majoritaire de l’État français au capital de Gaz de France, cette transaction revêtait un caractère éminemment politique. Voici comment Wikipédia présente l’opération :

SnapShot_120529_230659-fb993.jpg« Le projet de fusion entre les groupes Gaz de France et Suez a été annoncé officiellement pour la première fois au public le 25 février 2006. Ce projet visait officiellement à contrer une menace d’OPA [offre publique d’achat] hostile sur Suez par l’Italien Enel [Ente Nazionale per l’Energia Elettrica, la société nationale italienne d’électricité]. Dans le cadre de son discours sur le « patriotisme économique », le premier ministre Dominique de Villepin annonçait alors la fusion du groupe public Gaz de France avec le groupe privé Suez. »

Dès le départ, cette transaction suscite des interrogations et des critiques autant des milieux politiques que des milieux financiers, tant sa logique d’affaires est loin de s’imposer.

Ainsi, Dominique Strauss-Kahn, alors encore député socialiste du Val d’Oise et ex-ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie de 1997 à 1999 dans le gouvernement Jospin (la France est à cette époque en situation de « cohabitation » avec un président de droite et une majorité législative et un gouvernement de gauche), la qualifie-t-elle de très mauvaise opération dans une entrevue accordée à LCI, la chaîne d’information continue de TF 1, le 26 février 2006 :

« L’ancien ministre socialiste de l’Economie a qualifié la fusion entre GDF et Suez de "très mauvaise opération", lundi sur LCI. Pour le député du Val d’Oise, "il n’y a pas de logique industrielle" dans cette opération "anti-économique" qui ne sert ni "l’intérêt des usagers, ni du pays, ni de l’Union européenne". "C’est une opération qui dit non à l’Europe de l’énergie", a-t-il estimé. Car "il y avait une tentative de rapprochement entre Enel (un groupe italien, ndlr) et Suez, et nous devons constituer des champions européens. Or en se repliant sur une solution comme celle qui est proposée, on balaye d’un coup de plume la politique industrielle européenne", a-t-il expliqué. C’est aussi un "mauvais coup porté à EDF", parce que "Suez c’est une activité électrique, pas du tout présente en France aujourd’hui. Mais avec une fusion avec GDF, l’entreprise va pouvoir s’installer sur le marché français, et donc c’est une déstabilisation de EDF qui est mise en place, et un cadeau formidable qui est fait à une entreprise privée", a-t-il poursuivi. »

Si l’on peut, et l’on doit, reprocher à DSK les débordements de sa vie privée dans la vie publique, il faut toutefois lui reconnaître sa compétence à analyser les enjeux économiques et industriels, une compétence qui lui a justement valu sa nomination à la tête du FMI.

D’ailleurs, son analyse allait être validée par la suite par plusieurs intervenants européens comme le rapportait le New York Times un an plus tard dans un article intitulé « GDF-Suez merger deals a blow to EU ambition to open energy sector ».

Le cadre étant posé, revenons maintenant à l’article de Médiapart que je vous citais au début, « La corruption, véritable ennemie de notre Démocratie », où il est question de « l’implication de la Caisse des Dépôts et Consignations dans des affaires de corruption et de détournements de fonds publics qui se chiffrent à des milliards d’euros au profit du Groupe FRERE/DESMARAIS, actionnaire notamment de GDF-SUEZ et de TOTAL. » (Source citée plus haut).

Si le nom de la « Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) » vous semble familier, c’est qu’il s’agit de l’institution qui a servi de modèle à Jacques Parizeau (alors conseiller du gouvernement Lesage avant de devenir par la suite ministre des Finances et premier ministre) lorsqu’il a créé notre « Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) » au milieu des années 1960.

Et si, comme Québécois, vous devez vous intéresser à cette affaire, c’est qu’il existe de bonnes raisons de croire que l’Empire Desmarais a employé au Québec les mêmes stratagèmes qu’en France pour se concilier les bonnes faveurs de la CPDQ, à vos frais, comme cotisants et bénéficiaires du régime universel de retraite (RRQ) administré par celle-ci.

L’auteur de l’article est un certain Jean-Marie Kuhn dont j’ai pu retracer la biographie sur le site français zonebourse.com :

SnapShot_120529_230822-c67a3.jpg« Jean-Marie Kuhn est un homme d’affaires français, connu pour son intervention dans de nombreux dossiers politico-financiers brûlants.

Jean-Marie Kuhn est née en 1956 en Lorraine. Attiré par les nouvelles technologies, Jean-Marie Kuhn suit d’abord une formation de technicien en électronique puis s’établit comme artisan dès l’âge de 17 ans. A 21 ans, à son retour du service militaire il ouvre son premier magasin de TV HIFI VIDEO suivi de six autres, en Alsace et en Lorraine. A 26 ans le Ministre du Commerce et de l’Artisanat lui décerne le Mercure d’Or des commerçants performants de France.

Philanthrope, il porte un grand intérêt aux sciences et aux sagesses humaines, ainsi qu’aux concepts humanistes novateurs. Jean-Marie Kuhn mène aujourd’hui des recherches dans les domaines du bio-magnétisme, de la mémoire de l’eau et de ce qui touche aux mystères du vivant et aux énergies libres et renouvelables.

Il s’est également orienté vers le conseil et l’investissement dans l’immobilier commercial. En 1995, il acquiert la filiale Disport à GIB, une filiale du groupe d’Albert Frère. Suite à un conflit lors de la cession, il commence son combat pour mettre au grand jour les opérations financières d’Albert Frère.

Il s’intéresse ainsi à la cession d’Entremont, au projet d’association de la CMA-CGM avec le FSI. Il pointe du doigt la position de Gérard Longuet à la fois sénateur, chef du groupe UMP, membre de la commission de l’énergie et consultant pour GDF-Suez en l’accusant de « prise illégale d’intérêt ».

Jean-Marie Kuhn est aussi connu pour être à l’origine de l’affaire Quick. Il a, en effet, multiplié les plaintes en France et en Belgique affirmant que le milliardaire belge Albert Frère a vendu à la CDC CI (une holding contrôlée par l’État français) la chaîne de restaurants Quick à un prix surévalué. Pour en savoir plus sur ce sujet, retrouvez notre dossier spécial sur le procès opposant Zonebourse.com à Quick. »

Au cours de mes recherches pour la rédaction de l’une des chroniques qui ont servi de base à mon livre sur l’Empire Desmarais, j’étais tombé sur un texte anonyme qui fournissait justement quelques éléments d’information sur cette dernière transaction.

Je n’eus donc aucune peine à reconnaître en Jean-Marie Kuhn l’auteur de ce texte anonyme, et après quelques jours de vérifications et de contre-vérifications, je décidai d’entrer en contact avec lui.

Dans sa lutte infructueuse pour se faire entendre des autorités judiciaires françaises sous la présidence de Nicolas Sarkozy (la Constitution française attribue au pouvoir politique l’autorité d’entreprendre des poursuites), il avait adressé un abondant courrier au président dans lequel j’ai pu retracer son adresse de courrier électronique. Le message que je lui fis parvenir un samedi soir me valut une réponse le lendemain matin, et quelques heures plus tard, nous nous parlions au téléphone, et nous avons continué à échanger depuis.

Parmi nos sujets de discussion, la manœuvre par laquelle Albert Frère, l’associé de Paul Desmarais, se fit racheter pour une somme de 800 millions d’euros sa participation dans la chaîne de restauration rapide QUICK (un concurrent de McDo dont la valeur ne dépassait pas les 300 millions) par une filiale de la CDC spécialisée dans les prises de participations stratégiques à des fins de politique industrielle !

Et comment, quelques semaines plus tard, cette plus-value miraculeuse ( ! ) allait servir à augmenter l’apport en capital du tandem Desmarais/Frère dans Suez, au point de lui donner les moyens d’assurer que les actionnaires votent en faveur de la fusion avec GDF. Cet apport aura donc joué un rôle déterminant. Et le tandem qui était le premier actionnaire de Suez avant la fusion a conservé cette position après, ce qui lui donne une influence décisive dans toutes les décisions stratégiques.

On notera en passant qu’avec cette seule transaction, la filiale de la CDC se trouvait à épuiser dans le hamburger la moitié de sa dotation initialement réservée à des fins de restructuration industrielle ! Comme on dit chez nous, « Ça ne fait pas des enfants forts ».

On voit donc que le tandem Desmarais/Frère s’est trouvé à profiter de la fusion de GDF et de Suez de deux façons, d’abord en obtenant qu’elle ait lieu, un « cadeau formidable » aux dires de DSK, et ensuite en obtenant à fonds perdus de la CDC le capital nécessaire pour assurer que la fusion ait lieu. Une affaire énorme ! Et tout cela sous le mandat de Nicolas Sarkozy qui s’est en plus senti l’obligation de décerner à ces deux lascars la grand-croix de la Légion d’honneur !

Que se cache-t-il donc derrière toutes ces largesses ?

Un article du site français Rue 89 paru en 2008 nous fournit plusieurs éléments de réponse :

Sarkozy décore Desmarais, son riche et discret ami canadien [...]

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« Si je suis aujourd’hui président, je le dois en partie aux conseils, à l’amitié et à la fidélité de Paul Desmarais. »

Les deux hommes se connaissent depuis 1995. A l’époque, Sarkozy était au fond du trou, écarté de la Chiraquie après l’échec de la candidature d’Edouard Balladur aux présidentielles.

« Un homme m’a invité au Québec dans sa famille. Nous marchions de longues heures en forêt, et il me disait : il faut que tu t’accroches, tu vas y arriver, il faut que nous bâtissions une stratégie pour toi. »

Il a depuis séjourné plusieurs fois au domaine de Sagard, 75 km2 au cœur du Québec, propriété de la famille Desmarais. Le terrain, qui compte 32 lacs, doit son nom à un missionnaire français du XVIIème. Desmarais comptait aussi parmi les invités de la soirée au Fouquet’s sur les Champs-Elysées au soir de l’élection du président, le 6 mai 2007.

[...]

La famille Desmarais au cœur de la fusion GDF-Suez

Mais la famille s’intéresse de plus en plus à l’Hexagone. Avec son partenaire de toujours, Albert Frère, elle se retrouvera au cœur de la fusion -en attente- de GDF et Suez.

Les Desmarais et le capitalisme français

1979 Paul Desmarais investit dans Paribas. Albert Frère siège à l’époque sur le conseil d’administration de la banque et celui de sa filiale belge, Copebas. 1981 Frère et Desmarais embarquent dans l’opération « Arche de Noé » pour contrer la nationalisation de la banque par François Mitterrand. Ils injectent 440 milions dans la suisse Pargesa. L’opération échoue (non sans profit), mais le duo a acquis un puissant levier financier avec Pargesa. 1990 Le duo créé Parjointco, partagé moitié-moitié par l’intermédiaire des groupes Frère-Bourgeois et Power Corporation du Canada. Enregistré aux Pays-Bas, il détient aujourd’hui 54,1% de Pargesa (et 67% des droits de vote) qui possède lui-même 48,3% du capital de GBL (et 50,1% des droits de vote).

Les Desmarais et Frère possèdent 9,5% du capital de Suez et 13,2% des droits de vote, par l’intermédiaire du Groupe Bruxelles Lambert (GBL), ce qui en fait son principal actionnaire.

GBL s’intègre dans une lignée de holdings contrôlés par les deux familles : Parjointco constitue la clé de voûte de leurs investissements, qui chapeaute lui-même un nom plus connu dans les milieux financiers, Pargesa.

Dans la nouvelle entité GDF-Suez, la participation de GBL pourrait augmenter, comme Albert Frère le laissait entendre dans une interview à L’Expansion. Le duo canado-belge a les moyens de ses ambitions, après avoir regarni les coffres au mois de mai avec le rachat, par Bertelsmann des parts que GBL détenait dans le groupe de médias allemand. Montant de la transaction : 4,5 milliards d’euros, dont 2,4 milliards de plus-values.

La fusion apportera un autre fruit à GBL : le département environnement de Suez (gestion de l’eau, traitement des déchets...). Albert frère et son partenaire canadiens comptent parmi les grands gagnants de l’opération.

La famille Desmarais étant plutôt discrète, Frère s’est prononcé pour deux sur la place publique, en faveur de la fusion Suez-GDF. Un avis que ne partageait pas Nicolas Sarkozy avant son élection, essentiellement pour des raisons politiques.

Autour de la table du Fouquet’s

D’accord ou pas, Albert Frère et Paul Desmarais étaient sur la liste des convives au Fouquet’s, le soir du 6 mai. Desmarais aurait ramassé l’addition, évoque Paul Wells, de Maclean’s. [...] 

Si cet article nous permet de comprendre un peu plus les rapports qui se sont noués entre Paul Desmarais père et Nicolas Sarkozy, si l’on peut admettre que le second se soit senti un devoir de reconnaissance envers le premier, il n’explique en rien la générosité de l’État français (aux frais des Français) envers le tandem Desmarais/Frère, et c’est une affaire sur laquelle devrait se pencher en priorité la nouvelle administration socialiste en France.

Au moment où la France et les Français s’interrogent sur la façon de boucler leurs fins de mois, l’enrichissement sans cause dont semblent avoir bénéficié nos lascars devrait faire l’objet d’une enquête dans le but non seulement d’établir les responsabilités, mais également de déterminer ce qui peut être récupéré.

Jean-Marie Kuhn a fait des démarches en ce sens auprès du candidat Hollande et l’a même rencontré avant qu’il ne devienne président de la République. La réponse de François Hollande, datée du 16 avril 2012 et reproduite en PDF ci-dessous, semble ne laisser aucun doute sur ses intentions.

Monsieur,

J’ai bien reçu votre courrier et vous en remercie. L’affaire Quick/GDF-Suez mérite une attention toute particulière, et je ne manquerai pas, si je suis élu, d’exiger des comptes sur ce sujet.

Présider la République, c’est faire respecter les lois pour tous, partout, sans faveur pour les proches, sans faiblesse pour les puissants, en garantissant l’indépendance de la justice, en écartant toute intervention du pouvoirs sur les affaires, en préservant la liberté de la presse, en protégeant ses sources d’information, en n’utilisant pas le renseignement ou la police à des fins personnelles ou politiques.

Présider la République, c’est être impitoyable à l’égard de la corruption. Présider la République, c’est rassembler, réconcilier, réunir, sans jamais rien perdre de la de la direction à suivre. C’est écarter la stigmatisation, la division, la suspicion les oppositions entre Français, ceux qui seraient là depuis toujours, ceux qui seraient là depuis moins longtemps.

Voilà ce que sera le sens de mon mandat, si je suis élu.

J’espère vous avoir convaincu et vous prie de croire, Monsieur, à l’assurance de toute ma considération.

François Hollande

À la lecture de cette lettre, je me suis demandé si l’un de nos dirigeants politiques au Québec aurait été en mesure d’en écrire une semblable. Chose certaine, ce devrait être un test à soumettre à tous ceux qui aspirent à nous diriger, et même à ceux qui nous dirigent déjà. Voyez-vous Jean Charest signer une telle lettre ?

Le déclenchement d’une telle enquête en France risque d’avoir l’effet d’une véritable bombe, surtout lorsque les socialistes vont se rendre compte de la possibilité qu’il existe un lien entre cette affaire et le coup monté contre Dominique Strauss-Kahn pour l’écarter de la course présidentielle.

Si les socialistes semblent être unanimes dans leur condamnation de ses fantaisies libertines, ils ne seront pas pour autant disposés à passer l’éponge sur les moyens employés pour le faire tomber, et avec raison, comme j’ai eu l’occasion de le souligner dans un texte paru sur Vigile l’automne dernier et repris alors sur certains sites français.

En effet, constatant que ses chances de l’emporter contre DSK étaient presque nulles, Nicolas Sarkozy avait tout intérêt à se débarrasser de DSK, tout comme le tandem Desmarais/Frère qui savait bien à quelle sauce il serait mangé s’il était élu président. Sans être nécessairement les instigateurs du coup monté, Desmarais et Frère étaient certainement intéressés à voir DSK mis hors jeu.

Il ne semble pas être venu à l’esprit de qui que ce soit dans le camp de Sarkozy que le ressentiment des Français contre leur poulain serait à ce point puissant qu’il favoriserait l’élection d’un personnage aussi terne à leurs yeux que François Hollande.

Lorsqu’il est devenu évident que Hollande allait l’emporter, le tandem Desmarais-Frère a tenté sans succès de faire racheter sa participation dans GDF Suez et Total par la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC). Ils doivent donc attendre avec une certaine appréhension les décisions que prendra le nouveau pouvoir à leur endroit.

D’autant plus qu’une procédure criminelle a été intentée en Belgique sur plainte de « faits de corruption » déposée par Jean-Marie Kuhn. La police belge, le Procureur de la Couronne de Charleroi, ville dont Albert Frère est originaire, et un juge d’instruction ont décidé de donner suite à cette plainte, et une commission rogatoire en France pour procéder à l’audition de certains témoins a été diligentée auprès du ministère de la Justice de France qui n’avait pas le droit de refuser son concours.

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Jean-Marie Kuhn est également parvenu à déposer une plainte en rapport avec cette affaire devant la justice française contre Augustin de Romanet, le grand patron de la CDC jusqu’à ces derniers mois, pour « dénonciation calomnieuse, corruption active et passive, détournement de fonds publics, recel et complicité de recel, abus de confiance, prise illégale d’intérêts et blanchiment ».

Et Jean-Marie Kuhn est résolu à prendre action au Québec également par voie de recours collectif, sur le conseil de ses avocats québécois. À cette fin, il m’a demandé de lui recommander un cabinet spécialisé, ce que j’ai fait, et son dossier fait présentement l’objet d’une étude approfondie avant que les procédures ne soient intentées.

Cette démarche m’a toutefois permis de découvrir une autre affaire bizarre mettant en cause l’ancien premier ministre Lucien Bouchard. En effet, dans les mois qui ont précédé l’élection de Nicolas Sarkozy en 2007, une commission parlementaire française chargée d’examiner la pertinence pour la France de se doter d’un mécanisme judiciaire semblable à notre recours collectif s’était adressée au Barreau du Québec pour se faire recommander un spécialiste de la question.

SnapShot_120529_231209-8d0fc.jpgLe Barreau du Québec avait tout de suite recommandé Me Yves Lauzon du cabinet Lauzon Bélanger Lespérance, considéré à juste titre comme l’un des pères du recours collectif. Il était donc tout naturellement favorable au recours.

SnapShot_120529_231328-fe5f6.jpgLa commission parlementaire française était également intéressée à entendre un témoin opposé au principe du recours collectif. Le Barreau eut la surprise de découvrir le grand intérêt de Me Lucien Bouchard pour la question, lui qui n’avait jusqu’alors jamais touché de près ou de loin au recours collectif de toute sa carrière. Nostalgie d’un ancien ambassadeur du Canada à Paris ? Il est permis d’en douter. Quand on connaît les liens de Lucien Bouchard avec Paul Desmarais...

Toujours est-il qu’il mit tout le poids de son autorité et de sa notoriété personnelles à convaincre les membres de la commission parlementaire française que ce n’était pas une bonne idée. Quelques mois plus tard, Sarkozy était élu, et l’idée de doter la France d’un recours collectif était prestement reléguée aux oubliettes.

Parmi ceux qui n’ont pas dû verser une larme sur cette décision, on peut sûrement compter MM. Desmarais et Frère. Mais s’ils pensaient avoir mis toutes les chances de leur côté en s’assurant qu’un tel recours ne puisse jamais être intenté contre eux en France, ils n’avaient cependant pas envisagé la possibilité qu’il puisse être intenté au Québec.

En guise de conclusion, j’aimerais revenir sur l’intérêt des Québécois à voir cette affaire élucidée. J’ai en effet suggéré en début d’article que l’Empire Desmarais avait le même modus operandi des deux côtés de l’Atlantique. J’ai déjà eu l’occasion de souligner sur Vigile et dans le livre que je viens de publier aux Éditions Michel Brûlé tout ce qu’avaient d’incestueux les rapports entre notre Caisse de dépôt et de placement et l’Empire Desmarais.

On connaît les liens du président Michael Sabia avec les Desmarais, liens qui leur ont d’ailleurs valu l’opprobre général, mais l’on sait beaucoup moins que le vice-président de la CPDQ Roland Lescure est issu du sérail européen de l’Empire. Je vous suggère à ce sujet la lecture ou la relecture de l’article suivant : « Sabia vend la mèche ».

Enfin, le hasard faisant parfois bien les choses, Vigile rappelle aujourd’hui un article que je publiais il y a deux ans, intitulé « Méchantes questions, mais diablement pertinentes ». Les questions qui y sont soulevées demeurent encore d’actualité. Un jour viendra où nous obtiendrons les réponses. Si certaines personnes tomberont des nues, ce sera moins le cas pour d’autres.

Source : http://www.vigile.net/L-affaire-GDF-Suez-et-ses

Publié dans Les "affaires"

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