L’Histoire du Passé et l’ Acte de Québec du 22 juin 1774

Publié le par jdor

Si vous vous demandez pourquoi je m’obstine à relater des faits historiques du Québec, je peux vous en donner la raison principale. Cette histoire nous concerne, nous aussi, même si, particulièrement sous l’ère Sarkozy, on se fait le plus discret possible, pour ne pas « déranger » les affaires de certains milliardaires de là-bas… Mais, il ne faut pas oublier que cette histoire a fait partie de la nôtre. Il ne faut pas oublier non plus, qu’avant l’arrivée des Anglais, c’était une terre peuplée de Français. Enfin, il ne faut surtout pas oublier que les Québécois d’aujourd’hui, ceux qui veulent conserver leur langue française et souhaitent leur indépendance sont littéralement colonisés par les anglophones. Publier leur histoire est, pour moi, une manière de leur montrer, s’ils visitent mon blog, qu’il est encore un certain nombre de Français qui sont solidaires avec eux. (Jean Dornac)


Par Marie-Hélène Morot-Sir

Tribune libre de Vigile - Jeudi 18 novembre 2010     

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James_Murray.jpgLa proclamation royale de 1763 prévoyait la création d’une chambre d’Assemblée, mais James Murray ne la mit jamais à exécution à cause des lois anglaises, qui en excluaient les catholiques, d’autant qu’à cette période il n’était arrivé à grand peine que deux à trois cents colons anglais, et James Murray imaginait mal ces quelques propriétaires anglais statuant pour les quatre vingt mille Français (1) catholiques... Bien évidemment Murray fut critiqué à Londres pour son attitude favorisant les Français, une attitude qui visait pourtant, davantage à ne pas soulever trop de mécontentement chez eux, qu’à leur faire réellement plaisir... Son successeur Guy Carleton, baron de Dorchester, poursuivit cette politique de conciliation, non pas lui aussi par pure bonté d’âme, mais pour arriver à manier dans le bon sens ces "papistes", afin qu’il ne leur prenne pas l’envie d’aller soutenir les insurgés anglo-saxons, des colonies anglaises, situées le long des bords de l’Atlantique, qui étaient en train de se révolter contre Londres...

C’est donc dans cet esprit-là que l’Acte de Québec du 22 juin 1774 a été fait. Il donnait des avantages importants aux deux groupes qui pouvaient avoir un ascendant et une grande influence sur la population française, c’est-à-dire les propriétaires de domaine (appelés seigneurs selon le terme de l’Ancien Régime français) et le clergé ! Cet Acte restaurait le droit de la noblesse seigneuriale, abolissant le serment du test, car il excluait les catholiques de la fonction publique anglaise, ramenant le droit civil français, et agrandissant le territoire de la Province jusqu’aux grands lacs... Nous pouvons comprendre que le Parlement de cette époque avait tout intérêt à dissimuler aux colons anglais les faits exacts de cet Acte de Québec, dont les grandes lignes ont été connues par le rapport et les notes d’un lord, Henry Cavendish, qui explique longuement cet " Unreported Parlement " !

http://www.snof.org/histoire/georges3.html

georges3.jpgPourtant de dissimuler les articles exacts de cet Acte, n’empêcha pas les colons anglais d’être mécontents, furieux même ! Voyant que le roi George III avait accordé la sanction royale à cet Acte de Québec, les Anglais de Montréal vont recouvrir de peinture noire la statue du roi d’Angleterre, ils suspendent même une croix autour du cou de la statue et le surnomment le " pape du Canada " !

Ils sont si furieux qu’ils demandent au Parlement de Londres de rappeler cette loi, alors que, pendant ce temps, la population française l’avait accueillie avec soulagement puisque cela la rétablissait dans ses droits, sans se douter qu’au fond, loin de lui être totalement favorable cela allait lui amener bien des désagréments par la suite...

Cependant lorsque les loyalistes, ces colons anglais restés fidèles à Londres, vont arriver depuis les colonies anglaises au Canada devenu anglais, n’ayant pas accepté cette cessation avec Londres, et encore moins la déclaration d’indépendance, des Insurgés anglo-saxon, ils seront plus que furieux en découvrant les avantages donnés aux Français, ils réclameront que seules les lois anglaises soient utilisées, et que seuls, eux les "anciens sujets" puissent être élus, ce qui entraînera dans les années suivantes le remplacement de l’Acte de Québec par l’Acte constitutionnel en 1791, cette fois ce seront les colons anglais qui en seront largement avantagés et en plus de tout le reste permettra l’implantation de terres aux églises anglicanes..

Effectivement au vu de ce qui s’est passé et comment cela s’est passé, nous pouvons nous dire qu’il y a eu là, durant dix sept ans, une période où les lois étaient réellement favorables aux Français et où malheureusement ils n’ont sans doute pas pu voir, dans le contexte dans lequel ils vivaient alors, qu’ils pouvaient en profiter pour agir, et encore moins que le sort des Anglais en Amérique était pourtant et durant un moment, entre leurs mains... Assez rapidement, même si les loyalistes sont arrivés, et cela en nombre important, environ 50.000, même s’ils sont arrivés avec un état d’esprit défavorable à cent pour cent contre les Français, ces derniers étaient toujours majoritaires... Le rapport de force était en effet plus que favorable... Alors, n’aurait-il pas pu être encore possible d’agir ? Bien des questions demeurent… Bien des raisons ont sans doute joué et sont certainement entrées en ligne de compte, comme le fait, que cette population avait très certainement beaucoup de mal à se remettre, d’avoir été ainsi abandonnée, et remise à l’adversaire.

Il y eut plusieurs tentatives :

Cet épisode en 1774, pendant lequel, les insurgés anglo-saxons qui s’appelleront bientôt américains, sont venus jusque sous les murs de Québec, inciter les Français à se révolter, à se libérer avec leur aide, et à se joindre à eux. Aussitôt de nombreux Canadiens Français se sont rangés sans hésitation du côté des insurgés. Mais lorsque les américains furent repoussés nous nous souvenons de la mort de Montgommery, d’Arnold blessé, de Daniel Morgan et ses hommes… de cette nuit du 31 décembre 1775 dans une tempête de neige impressionnante malgré le froid et la neige, ils resteront sous les murs de Québec et bloqueront la ville... Cette forte prise de position des Français et la conduite même des habitants et des habitantes (cf les reines de Hongrie sur l’ile d’Orléans !) entraîna de fortes représailles !

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la-fayette-1-.jpgPlus tard encore en 1778, eut lieu une autre tentative, les américains voulurent attirer à nouveau les Canadiens Français à se libérer et à les rejoindre et cela avec encore plus d’enthousiasme, puisqu’ils avaient dans leurs rangs le jeune français Gilbert du Motier, marquis de la Fayette, qui était loin d’être indifférent au sort de ces Français de la Nouvelle France, abandonnés par le roi de France, aux mains des Anglais, comme certains écrits peuvent le laisser penser…

Puis il y eut l’Amiral Henri comte d’Estaing, tout juste arrivé des Antilles, le 16 septembre 1779, avec trois mille hommes, pour venir aider à son tour les insurgés anglo-saxons, il se rend aussitôt descendu de ses navires, devant Savannah en Géorgie, soutenir les troupes continentales commandées par Lincoln. Malgré ce renfort, Lincoln n’arrive pas à faire plier les Anglais qui restent sur leurs positions, la ville restera anglaise. Henri d’Estaing est blessé il retournera sur ses vaisseaux, mais avant de quitter le continent il avait eu le temps de lancer un appel vibrant aux Canadiens Français :

« Vous êtes nés Français, vous n’avez pas cessé de l’être, je déclarerai solennellement, au nom de sa Majesté le roi Louis XVI, que tous ses anciens sujets d’Amérique septentrionale, qui ne voudraient pas reconnaître la suprématie de l’Angleterre, peuvent compter sur sa protection et sur son appui »...

Cette phrase apporta un immense espoir aux Canadiens Français mais le nouveau gouverneur de leur Province Frédéric Haldimand, allemand d’origine, ne toléra aucune manifestation et s’il n’avait pas accepté les tentatives de rapprochement des américains, bien évidemment, il supporta encore moins la main tendue des Français venus de France, ce qui entraîna des arrestations terribles, telle celle de Pierre du Calvet…

Enfin lors de la signature du Traité de Paris, du 3 septembre1783 à Versailles, reconnaissant l’indépendance des treize colonies anglaises, devenues les jeunes États-Unis d’Amérique, le roi Louis XVI fera une dernière tentative, c’était tout à fait son droit de le faire, après toute l’aide apportée par la France, de demander et même d’imposer qu’on rende le Canada à la France ! Malheureusement ce n’était pas dans l’idée des plénipotentiaires américains, délégués à Versailles, le roi n’insista pas suffisamment non plus... Et les choses en restèrent-là, les Canadiens Français furent une nouvelle fois abandonnés à leur sort...

(1) L’expression " Français" employée ici, au lieu de "Canadiens", n’est pas exacte puisque les Français nés sur le sol du Canada avaient pris le nom de Canadiens et étaient de plus en plus différents des Français de France... l’expression "Canadiens Français" ne l’est pas davantage, puisque ce sera plus tard que les Canadiens se sont appelés Canadiens Français pour se différencier des colons anglais, au moment où ces derniers, vivant à présent eux-aussi sur le sol du Canada, ont voulu s’appeler Canadiens !

(Sources : http://www.vigile.net/L-Histoire-du-Passe-et-l-Acte-de)

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