L’hiver amérindien pourrait être une si belle saison !
Par Marie-Hélène Morot-Sir
Entre 1763, date du traité de Paris où la France cédait la Nouvelle France à la Couronne Britannique, et jusqu’en 1923, cette couronne anglaise a signé 56 traités territoriaux avec les nations autochtones, voulant se les concilier après le départ des Français qui avaient vécu avec ces Nations en bonne entente. Un des éléments du protocole était la remise d'une médaille aux chefs signataires de certains traités. On y voit d'un côté le buste de la reine Victoria, et de l'autre, un Britannique et un chef amérindien qui se serrent vigoureusement et solennellement la main lors d’un de ces traités...
Cette poignée de main symbolise le sens profond des traités historiques. Michaël Anderson directeur de la recherche pour l'organisme Manitoba Keewatinowi Okimakanak : « L'essence du traité est de créer ensemble une nation qui existera éternellement, aussi longtemps que le soleil brillera, que l'herbe poussera et que l'eau coulera, précise-t-il. L'idée de base est que les Premières Nations qui adhèrent au traité partagent leur territoire traditionnel avec la Couronne et les colons canadiens, et qu'en échange elles profitent des ressources de la Couronne, comme la médecine et l'éducation. »
Mais le texte de ces traités dit pourtant tout autre chose. Les Autochtones y cèdent tous leurs droits sur le territoire, en échange de très petites réserves et de maigres compensations ! Evidemment, pour la Couronne britannique, ces traités présentaient de grands avantages, en permettant non seulement de libérer des terres pour les loyalistes, - ceux-là mêmes qui étaient restés du côté des Anglais pendant la guerre d'indépendance des colons anglo-saxons de Nouvelle Angleterre, créant ainsi les nouveaux États-Unis d’Amérique - mais aussi en permettant de pousser la colonisation anglaise vers l'ouest, tout en exploitant des terres agricoles et toutes les ressources naturelles et minérales… Ces traités historiques, englobent aujourd'hui l'Ontario, le Manitoba, la Saskatchewan, l'Alberta, les Territoires du Nord-Ouest et une partie du Yukon et de la Colombie-Britannique.
Cependant, ces traités étaient-ils réellement signés d'égal à égal ? Les comptes rendus des négociations, consignés dans les journaux de bord des négociateurs, permettent d'en douter. La tradition orale, maintenue par les ancêtres autochtones, montre des écarts entre le texte des traités et le contenu verbal des négociations. A la base, la cession des droits territoriaux était fondée sur le concept de propriété privée de la terre, alors que ce mot « propriété privée » est une notion totalement incompréhensible dans la culture autochtone. Les traités étaient négociés, en anglais, avec bien évidemment des interprètes. Cependant, ils ont été signés par des chefs autochtones qui en général ne lisaient et ne comprenaient pas l'anglais. Souvent, le processus de négociation ne respectait pas la hiérarchie de la communauté. Lors de nombreuses occasions, les Autochtones ont indiqué qu'ils voulaient continuer à chasser et à pêcher. Les négociateurs anglais leur laissaient entendre qu'ils pourraient le faire comme avant. Mais en réalité, le texte des traités ne leur permet de chasser que sur les terres qui ne sont pas occupées par des Blancs, et sous réserve de nouveaux règlements qui peuvent interdire ces activités à certaines périodes de l'année. Les Anglais utilisaient un langage différent des textes des traités. Ainsi, la reine Victoria était appelée Notre Mère, et les Autochtones, « ses enfants à la peau rouge », comme le démontre le discours du commissaire David Laird, au moment de la négociation du traité numéro 7 avec des Pieds-Noirs : « L'Esprit Tout Puissant a créé toutes choses, le soleil, la lune et les étoiles, la terre, les forêts et les rivières où coule l'eau vive. C'est par la volonté de l'Esprit Tout Puissant des Blancs que la Reine gouverne ce grand pays, et d'autres grands pays. L'Esprit Tout Puissant a fait de nous, hommes blancs et hommes à la peau rouge, des frères, et nous devrions tous marcher main dans la main. Notre Mère Toute Puissante à tous aime ses enfants également, qu'ils aient la peau blanche ou rouge ; elle ne leur veut que du bien. »
La Cour suprême du Canada a d'ailleurs reconnu la nécessité d'interpréter les traités à la lumière de ce qui a été dit avant leur signature. « En tant qu'écrits, les traités constataient des accords déjà conclus verbalement, mais ils ne rapportaient pas toujours la pleine portée de ces ententes verbales », peut-on lire dans l'arrêt Badger, rendu en 1996. Ce jugement précise qu'il faut interpréter un traité en lui donnant « le sens que lui auraient naturellement donné les Indiens à l'époque de sa signature ». Le jugement de la Cour suprême oblige les gouvernements à consulter les Premières Nations sur des projets de développement. Depuis l'entrée en vigueur des traités historiques, le territoire s'est développé. On y cultive d'immenses champs de blé. Le sous-sol regorge de pétrole, d'uranium, de cuivre, d'or et de diamants qui font la richesse des compagnies pétrolières et minières. La forêt alimente les industries du bois et des pâtes et papiers. Les Premières Nations qui vivent sur ce territoire affirment que leurs ancêtres n'auraient jamais cédé leurs droits sur la terre et ses ressources. Elles continuent d'espérer que le dialogue entrepris à l'époque des négociations se poursuivra. La Cour suprême a rendu deux jugements en 2004, les arrêts Haïda et Taku River, indiquant que l'État doit consulter les Autochtones lorsque leurs droits ancestraux pourraient être menacés par le développement, et les accommoder, le cas échéant. Ces droits ancestraux sont liés aux pratiques, traditions et coutumes des sociétés autochtones avant l'arrivée des Européens. Pour Michael Anderson, ce devoir imposé par la Cour est une façon de rénover le lien établi entre la Couronne et les Autochtones au moment de la signature des traités. La notion de lien de confiance est d'ailleurs au cœur de la stratégie adoptée en 2010 par l'Assemblée des Premières Nations du Canada. Intitulée « Traités sacrés, confiance sacrée : travailler ensemble à la mise en œuvre des traités et pour consolider notre souveraineté en tant que nations », cette stratégie vise à appuyer les signataires des traités et à soutenir leurs efforts pour faire reconnaître leurs droits.
Ce 25 janvier 2012 vient d’avoir lieu, à Ottawa, une rencontre qui aurait pu être Historique. Les chefs des Premières Nations avaient été convoqués par le gouvernement fédéral et le premier ministre Stephen Harper, pour une première rencontre avec S. Harper depuis son investiture en 2006 et son accession à la tête du Canada.
Shawn Alteo et Stephen Harper
Les Hauts responsables Autochtones demandent au Canada de traiter les Premières nations en vertu des règles de justice et d’équité qui caractérisent les peuples libres. Pendant les trois premiers siècles, depuis l’arrivée de Jacques Cartier et des Français, les relations entre les blancs et les autochtones ont été d’égal à égal, mais depuis les deux siècles sous gouvernement Canadien anglo-saxon toute la galaxie continentale des nations a été réduite en de simples enclaves isolées mises dans des réserves, et parfois même totalement misérables… En 1876 a été adopté au parlement d’Ottawa la Loi sur les Indiens. Cette loi donne un énorme pouvoir au gouvernement fédéral sur les Premières Nations et depuis lors il y a cette mainmise et toute la responsabilité exclusive sur toutes les affaires autochtones. Cette loi est exécrée et haïe par les Amérindiens ayant créé leur dépendance ! Leur première revendication est donc l’abolissement de cette loi. Remaniée en 2000, il n’y aura cependant aucune avancée déterminante bien au contraire, ces changements déterminent quels canadiens sont ou non considérés comme appartenant à ces premières nations, elles soulignent simplement les règles rigides qui régissent les réserves. Il est donc exposé combien cette loi est à l’origine de nombreux problèmes mais S. Harper dit que le gouvernement ne l’abrogera pas : « Après 136 ans, cet arbre a des racines profondes, l’arraché de sa souche laisserait un trou béant ! » signifiant par cette phrase sibylline que abroger cette loi serait laisser un trop grand vide juridique. Ce pays pourtant développé, confirme tout à fait son statut colonial avec le fait que les droits fondamentaux de ces peuples ne sont pas respectés. « Cette loi a trahi nos peuples, et c’est un obstacle à toute bonne relation solide avec le gouvernement » affirme le grand chef de l’Assemblée des Premières Nations, Shawn Alteo.
http://clarencemichon.wordpress.com/2011/11/24/occupy-attawapiskat-a-first-nation-housing-crisis
Ce grand chef martèle que cette Loi a été fondée sur le postulat de « notre infériorité, elle ne vise que notre assimilation et à la destruction de nos cultures, cette loi est une abrogation totale du partenariat entre des nations mutuellement respectueuses » C’est pourquoi, aujourd’hui, les Premières nations veulent supprimer complètement tout statu quo ! Elles sont liguées à présent contre Ottawa, réclamant à l’ONU un observateur car cela suffit des solutions imposées unilatéralement par Ottawa, depuis tant d’années mais surtout le dernier conflit celui d’Attawapiskat ! Depuis décembre 2011, une grande crise sévit dans cette communauté autochtone d’Attawapiskat dans le Nord de l’Ontario vers la Baie James. Ottawa a mis cette communauté sous tutelle alléguant que la crise du logement est due à l’incapacité des habitants à gérer les fonds versés par le gouvernement fédéral. Cela a entraîné une bataille politique avec le fédéral, toutes les Premières Nations se sont ralliées à eux. Attawapiskat n’a pas hésité à expulser Jacques Marion, l’envoyé spécial du gouvernement car cette crise démontre qu’Ottawa ne respecte pas ses engagements internationaux garantissant aux autochtones des conditions de vie correctes, en ayant signé la déclaration des droits des peuples autochtones à l’ONU. Sur les mille sept cents habitants, certains sont obligés de vivre sous des tentes alors que le froid de l’hiver est déjà là, ou dans des abris non isolés, sans eau potable et parfois sans même d’électricité ! En 2011, les décisions sont si irrespectueuses que la communauté est obligée de les rejeter. Cette situation d’Attawapiskat est loin d’être isolée, puisque dans de nombreuses autres réserves les autochtones vivent dans des conditions aussi précaires, dit le chef du Nord Manitoba, David Harper, de même au Québec aux prises avec le manque d’accès à l’eau potable à Wemindy et Chicasiby sous des températures entre -15° et -20°
Le Canada doit traiter les Premières Nations en vertu des règles de justice d’équité caractérisant les peuples libres. Bien évidemment, une fois de plus, leur demande ne sera pas entendue ! Il n’y aura pas de solution immédiate aux problèmes énormes auxquels doit faire face la société autochtone malgré un document proposant des avancées importantes, demandant la délégation des pouvoirs auprès des communautés autochtone mais le gouvernement d’Ottawa de Monsieur Stephan Harper ne fera aucune mention là-dessus, et il proposera, en guise de compensation, de mettre sur pied des groupes de travail pour étudier dans un vague futur, la structure du financement gouvernemental et un autre groupe de travail au sujet du développement économique !
Il y a divergences de vues des deux parties sur le sort à réserver à la loi, la loi ne peut être changée mais ne peut-elle pas alors être modernisée et améliorée ? Seule entente sur une éventuelle révision du rapport sur l’éducation afin de procéder à la mise en œuvre de ces recommandations.
Plus d’une centaine de chefs amérindiens représentant les Premières Nations sont donc présents, ce 25 janvier dernier, leur chef national de l’Assemblée des premières Nations, Shawn Atleo tire à boulets rouges sur la loi qu’il décrit comme un obstacle sur la voie du progrès. En définitive, ils n’obtiendront rien, si ce n’est des commissions et encore des commissions qui se donneront un an pour repenser le lien économique entre Ottawa et les communautés autochtones.
Les Premières Nations désirent toucher des redevances versées pour l’exploitation des ressources naturelles sur leurs territoires ancestraux, alors qu’Ottawa ne veut garantir que de simples emplois dans les entreprises qui exploitent ces ressources… John Duncan, ministre des affaires indiennes, affirme vouloir uniquement donner la priorité à la formation afin que les autochtones soient prêts pour ces emplois.
Dans les réserves, les conditions de vie sont très souvent proches du Tiers monde ! De plus en plus de personnes réagissent néanmoins, afin d’exiger la juste part des importants revenus des ressources naturelles sur leurs propres territoires, d’autant plus que la justice canadienne les appuie.
Les peuples autochtones ont une croissance rapide au Canada même s’ils sont enlisés sous le colonialisme anglo-saxon, certains arrivent à s’en sortir, les deux tiers d’entre eux ont moins de trente ans, des artistes des militants, des penseurs émergent, des chefs de file aussi… Un chirurgien québécois a parcouru un grand nombre de kilomètres pour rapprocher autochtones et non autochtones.
Le gouvernement canadien a tout mis derrière son impérialisme anglo-saxon et sa soumission à la couronne britannique, les Premières Nations ne s’en remettront-elles ? Les Amérindiens ont été folklorisés avec toutes leurs danses et leurs plumes, ils amusent les Canadiens une ou deux fois l’an. Mais leur culture est rabaissée et mise de côté, il est fait de même avec les nouveaux arrivants, tant allemands, italiens, ukrainiens, polonais, ils peuvent s’exprimer lors de leur festival annuel tout en anglais évidemment et ils font la fête ainsi « déguisés » ! C’est cela la reconnaissance du Canada : Assimilez-vous ou disparaissez ! » Cette dure volonté ne change pas, les autochtones sont traités comme un vaste zoo humain… L’espoir est fort néanmoins, certains se souviennent en effet lorsqu’ils se rappellent des Français et repensent à ces tribus Celtes, Arvernes ou Ligures appelées vulgairement « gauloises » par l’envahisseur latin, qui malgré cinq siècles de colonisation romaine avaient trouvé le moyen de devenir aussi bons que les Romains en arrivant occuper des postes importants de gestion et de direction, tant et si bien qu’ils étaient arrivés à prendre toutes ou presque toutes les places des Romains…
En 2017, le Canada anglophone fêtera le 150ème anniversaire de sa confédération… Pour le centième anniversaire, en 1967, l’explosion de fierté avait été faramineuse. Ils se félicitent pour leur part d’un grand succès politique et social en réunissant ainsi dans un seul pays deux langues, deux cultures, deux nationalités la francophone et l’anglophone, bien distinctes… Certes, si la condition est bien que chacune des langues soit à égalité avec l’autre, mais y veille-t-on ? ! Les cinq années qui restent vont-elles être propices à des améliorations… des améliorations qui n’ont jamais eu lieu depuis 253 ans ?