La difficile aventure de l’indépendance des États unis d’Amérique - 1

Publié le par jdor

Par Marie-Hélène Morot-Sir

Première partie :

La population des treize colonies de Nouvelle Angleterre ne paraissait pas, à cette époque, avoir de grands liens entre elles, il y avait trop de diversités ethniques, même si c’était pour la plupart des anglo-saxons, Allemands, Suédois, Hollandais. Essentiellement composés de personnes exclues tels les puritains ou les huguenots, chassés de différents pays, y compris de France. Ils professaient une morale religieuse intolérante et les gouvernements locaux étaient bien souvent théocratiques. Les Allemands étaient principalement des artisans et des paysans, les Irlandais et Ecossais des descendants presbytériens et en 1770 un cinquième de la population était noire, car depuis 1618 les planteurs des colonies situées au sud, celles de la Virginie, du Maryland de Géorgie ou encore des deux Carolines, importaient déjà des esclaves.

 colonies-anglaises-1775.jpghttp://www.lesmanantsduroi.com/articles2/article32371.php

Cette guerre d’indépendance fut une guerre civile entre Anglo-saxons des colonies de Nouvelle Angleterre. D’une part, ceux qui se sont révoltés contre Londres, les Insurgents (ou insurgés) ou encore les "Fils de la Liberté" comme ils s’appelaient eux-mêmes, et d’autre part ceux qui soutenaient Londres, les Royalistes (ou encore appelés loyalistes puisqu’ils voulaient rester loyaux vis-à-vis de Londres.) correspondant à environ un tiers de la population, ils ne demandaient pas l’indépendance mais seulement une sorte d’autonomie et s’étaient rangés du côté des forces militaires anglaises envoyées par Londres pour réprimer la révolte…

Lorsque l’indépendance fut déclarée, unilatéralement, au Congrès de Philadelphie le 4 juillet 1776 les habitants se divisèrent, aussitôt. Le Congrès craignait que les opposants compromettent le succès de cette guerre ouvertement déclarée à la Grande Bretagne, et donc compromettent leur indépendance. De ce fait des lois vont être votées au Congrès, des lois qui allaient permettre, et encourager même, les exactions de tous ordres, comme la confiscation des biens, des terres, des maisons, des troupeaux, des marchandises, etc... Ce qui permit aux gouvernements locaux de ces colonies de s’enrichir, et plusieurs millions entrèrent dans leur trésorerie, mais en plus de cela, des exactions eurent lieu aussi sur les personnes elles-mêmes, car ces réfractaires à l’indépendance, ces personnes qui voulaient rester anglaises, furent regardées comme des traîtres et certaines en arrivèrent même à être lynchées ! Curieux mot que nul ne connaissait avant la guerre d’indépendance américaine. En effet, un planteur de Virginie qui dirigeait un tribunal d’exception dans sa province, portait le nom de Charles Lynch. Les opposants qui étaient amenés devant lui terminaient très souvent leur vie au bout d’une corde, ils finissaient pendus, donc lynchés... Par Charles Lynch ! Tous ces opposants sont alors plus que terrorisés, ils n’ont plus ni maisons ni terres et craignent même pour leur vie, ils vont alors se réfugier derrière les lignes anglaises et rejoignent les unités de combat tels les Roger’s rangers, les Butler’s rangers ou encore le Régiment du roi de New York… Mais très vite les Anglais ne pourront plus les protéger et ils fuiront cette fois vers le Canada devenu anglais. On les retrouvera en grande partie en Nouvelle Ecosse et au Québec.

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Pendant ce temps, les Insurgés avaient délégué, entre autres, Benjamin Franklin auprès du roi de France, Louis XVI. Ce dernier et son ministre Vergennes avaient donc reconnu l’indépendance de ces colonies anglaises, et avaient accepté de leur envoyer de l’aide, mais au départ ils n’envisageaient qu’une simple aide navale contre la flotte anglaise. La situation devenait cependant catastrophique pour les insurgés anglais, Georges Washington et ses miliciens arrivant à grand peine à empêcher tout avancement des troupes britanniques, en luttant pied à pied, batailles après batailles mais ils ne parvenaient pas à gagner réellement et encore moins à faire reculer les troupe anglaises envoyées par Londres pour les soumettre…

Le jeune La Fayette arrivé auprès des insurgés dès le début du conflit, après avoir passé deux ans auprès d’eux, ayant enfin atteint sa majorité et pouvant alors disposer de sa fortune, peut retourner en France pour expliquer tout cela au Roi. C’est à partir de ce moment-là que l’aide de la France commença à être vraiment substantielle. Bien entendu, si les Anglais furent largement préoccupés de voir alors les Français revenir en Amérique du Nord, par contre les Amérindiens du Canada laissèrent voir le plaisir qu’ils éprouvaient à cette nouvelle, ils espéraient tant le retour de la France. C’est pourquoi les Français auraient pu rallier facilement ces tribus, leur amitié et leur affection étant inaliénables aux uns comme aux autres, mais ceux qui commençaient déjà à s’appeler "américains", étaient loin de vouloir nouer des alliances avec ces indiens-là, ils préféraient leur prendre leurs terres et si possible les exterminer !... A cette époque Frédérick Haldimand* écrira avec regret, évidemment, que l’entente des autochtones déjà difficile vis à vis des Anglais décline fortement chaque jour,  " depuis que les Insurgents se sont ralliés aux Français, avec lesquels ils ont un vieux et tenace attachement ! "

Une armée française de 5500 hommes arrive du côté de New York, sous le commandement de Jean Baptiste Donatien de Vimeur, mieux connu sous celui de Comte de Rochambeau, mais aussi une petite flotte, de 12 vaisseaux de ligne, commandée par Barras. Ce dernier longea les côtes nord-américaines, mais restera coincé-là, très surveillé par les vaisseaux anglais… Pourtant en 1781, Barras parviendra à rejoindre discrètement la baie de la Chesapeake, au moment où la flotte anglaise sera trop occupée à se défendre sous les feux des canons des vaisseaux français, de l’amiral De Grasse et  de Bougainville…

Rochambeau apporta alors un réel soutien avec ses hommes, mais observant ce qui se passait sur le terrain, il conseilla habilement à Georges Washington d’aller plutôt attaquer les Anglais dans le sud.

Lorsque le général anglais Charles Cornwallis va être obligé de s’enfermer dans Yorktown, avec l’armée anglaise, les forces anglaises représentaient environ 16000 hommes, comprenant 7000 soldats réguliers de l’armée anglaise, environ 2000 allemands, avec 9000 loyalistes de différentes nationalités mais aussi 7000 esclaves des plantations de Virginie qui travaillaient nuit et jour à consolider les fortifications de la ville… Ils étaient bien surveillés par les troupes de Virginie commandées par La Fayette qui tentaient de les maintenir là, dans Yorktown, jusqu’à l’arrivée des renforts tant espérés, les troupes conjuguées de Washington, de Rochambeau et de la flotte Française de l’amiral De Grasse… Les forces de Washington regroupaient des insurgés des colonies anglaises de toutes nationalités, mais également quelques Canadiens Français. Pendant ce temps, la flotte française remontait depuis les Antilles, et il allait falloir une bonne dose de chance pour que l’armée navale du comte de Grasse parvienne le long des côtes américaines sans se faire arrêter par les nombreuses escadres anglaises… De son côté, l’armée française de Rochambeau avait à couvrir  plus de trois cent quatre-vingt kilomètres jusqu’au fleuve Delaware pour rejoindre Georges Washington et ensuite descendre avec lui pour rejoindre la Fayette qui commandait les forces de Virginie.

De_Grasse_painting.jpghttp://www.histoire-et-actualite.fr/commemoration-de-la-semaine/230e-anniversaire-de-la-bataille-de-la-baie-de-chesapeake-818.html

A son arrivée à saint Domingue, l’amiral de Grasse reçut plusieurs messages cachetés aux armes de M. de Rochambeau, qui commandait aux armées du roi en Amérique, il y avait aussi des messages de M. de Luzerne, notre ambassadeur français auprès du jeune Congrès de Philadelphie, et enfin, aux armes royales, c’étaient les plis du cabinet de Versailles lui-même.

Washington et Rochambeau contenaient au Nord autant qu’ils le pouvaient l’offensive anglaise, mais au sud en Virginie, La Fayette, dont les forces étaient insuffisantes, pliait sous les coups de l’armée anglaise du général anglais Cornwallis. Rochambeau aurait voulu lui venir en aide mais il n’y avait pas de communications rapides par l’intérieur, les distances étaient immenses, le seul moyen aurait été par la mer, mais la division française de Barras toute seule, ne pouvait forcer le blocus de la flotte anglaise.

Telle était la situation que décrivait Rochambeau, en ajoutant : “ L’ennemi a entrepris son plus vigoureux effort en Virginie, Cornwallis fortifie sa position à l’embouchure de la rivière Elizabeth, d’où il ravage les rivières de Virginie, aussi Washington me demande d’envoyer mes troupes jusqu’à la Chesapeake soutenir La Fayette, en envoyant les vaisseaux de Barras mais ce dernier déclare cela impossible, il ne peut passer au travers du blocus anglais ! La situation est très grave, seule l’arrivée de M. le comte de Grasse pourrait nous aider, car tous les moyens entre nos mains ne sont pas suffisants, sans la maîtrise des mers qu’il est seul capable d’imposer. Il est deux points où l’offensive peut être engagée contre l’ennemi, la baie de la Chesapeake et New York. Dans l’un ou l’autre cas, il est essentiel que vous préveniez le comte Barras ainsi que le général Washington de vos intentions, car le premier doit pouvoir vous rejoindre et le second coopérer avec vous et son armée. Est-il nécessaire de vous écrire encore, vu la détresse de l’armée de Washington et la faiblesse de mes troupes devant New York, les importants services que vous rendriez si vous pouviez amener ici un corps de troupes avec vos vaisseaux. 

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La toute dernière lettre de Rochambeau était datée du 11 juin, il expliquait qu’il pensait rejoindre le général Washington, espérant ainsi faire diversion en faveur de la Virginie.  “ Washington n’a pas la moitié des troupes qu’il souhaite, les insurgés sont au bout de leurs ressources, le général Green a tenté une poussée, mais je ne sais dans combien de  temps il lui sera possible de rejoindre La Fayette qui est, lui-même, en si mauvaise posture qu’on ne peut présager combien il tiendra, face aux forces de Cornwallis, aussi il est de la plus grande importance que vous embarquiez le plus de troupes possible, quatre mille  ou cinq mille hommes ne seront pas de trop pour réduire les retranchements, gardés par mille cinq cents Anglais, qui ne cessent de harceler cruellement la pauvre marquis de la Fayette. Il s’est établi près de la plage afin de faciliter le mouillage de votre escadre et le débarquement de vos soldats. Voici le triste tableau de nos affaires en cette région, je suis persuadé que vous nous apporterez la supériorité navale, mais je ne saurais trop vous redire de prendre aussi les troupes et l’argent.”

De son côté le général Washington avait aussi écrit au comte de Grasse. Ses propos étaient tous dans le même sens que ceux de Rochambeau. De tous ces documents, l’amiral tira la conclusion que les insurgés anglo-saxons qui s’appelaient à présent « américains » regardaient l’arrivée de la flotte française comme le seul moyen de leur empêcher la défaite totale, et d’éviter l’abandon de l’indépendance qu’ils désiraient tant !

La situation militaire était parfaitement évidente et pouvait se résumer ainsi : Les troupes franco américaines tenaient solidement devant New York, mais elles n’étaient pas de force à en déloger les Anglais, trop bien armés en hommes et ravitaillés par la mer. Dans le sud, la position alliée était partout très critique. Tout manquait, l’argent, les hommes, les vivres et les munitions alors que les Anglais étaient, eux, régulièrement approvisionnés par mer.

C’était parfaitement clair et net, la seule clé des opérations résidait une fois de plus dans la maîtrise de la mer. Ce pays immense n’avait absolument pas de routes, la position de l’adversaire était concentrée dans des places fortes qu’il tenait en s’y étant solidement retranché et qu’il était impossible de déloger. De Grasse réfléchissait à la façon dont il allait concilier cette nécessité urgente avec les dernières instructions arrivées de Versailles, où on lui demandait d’aller aider les Espagnols à reconquérir la Jamaïque, puis ensuite de convoyer les vaisseaux marchands jusqu’en France.

De Grasse se dit que tout compte fait la Jamaïque pouvait attendre une peu, car il ne pouvait refuser son aide à tous ces intrépides généraux, Rochambeau, La Fayette et Washington et bien sûr l’amiral Barras et M. de la Luzerne. Tous comptaient sur lui, il était hors de question de demander la permission à Versailles, car d’une part la réponse ne lui parviendrait au Cap que dans deux ou trois mois... Et d’autre part avec ces missives impérieuses qu’il venait de recevoir de Versailles, Grasse venait de prendre connaissance de la dernière communication officielle précisant que la France n’enverrait plus de troupes en Amérique, mais seulement une aide financière de six millions de francs, et au pire si l’armée du général Washington était détruite, Grasse devait couvrir avec sa flotte le repli de l’armée française sur les Antilles et pour ce faire il avait ordre de donner à Barras deux vaisseaux pour l’aider à sortir de Rhode Island... 

Alors la conclusion était simple, il fallait agir vite. De Grasse ne pouvait rester sans rien faire et partir tranquillement à la Jamaïque, car si l’armée américaine n’avait de subsides que jusqu’au 20 août, Grasse n’avait donc qu’un mois pour tout préparer et partir les aider.

Repensant à l’armée anglaise du sud, où Cornwallis avait rejoint à Yorktown les partisans d’Arnold, ce traître passé à l’ennemi, qui ravageaient la Virginie, la forteresse de Yorktown était réputée inexpugnable et les troupes de la Fayette n’avaient même pas pu tenter de l’attaquer. Mais si les Anglais cessant d’avoir la maîtrise des mers ne pouvaient plus la ravitailler ?  Alors ?

Un plan audacieux naissait et prenait forme dans l’esprit de l’amiral de Grasse. Il fallait tout simplement une concentration des forces de Rochambeau et de Washington venant s’ajouter à celles de La Fayette en Virginie, toutes soutenues par les renforts que Grasse apportait et tout cela viendrait à bout de l’armée anglaise, à condition que la flotte française pût pendant toute la durée des opérations, empêcher les différentes escadres de la flotte anglaise de soutenir Cornwallis en le ravitaillant ou en l’évacuant lui et toute son armée intacte.

Alors Yorktown ne pourrait-elle pas devenir le tombeau de l’armée anglaise ?

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De Grasse exposa tout son plan au gouverneur de Saint Domingue, M. de Lilliancourt qui l’approuva et s’engagea à lui fournir toutes les troupes nécessaires mais quant à l’argent, Grasse devrait seul résoudre cet épineux problème.  

De Grasse se tourna sans hésiter vers l’étranger pour trouver la somme nécessaire. Le marquis de Salavedra, directeur général des douanes du royaume d’Espagne, connaissait à la Havane des prêteurs particuliers qui viendraient en aide à l’amiral français. Les fonds seraient disponibles et l’amiral allait envoyer sans tarder la frégate l’Aigrette, commandée par le lieutenant de vaisseau M. de Traversais, pour aller les chercher.

En même temps, De Grasse dépêcha la Concorde avec un message pour Rochambeau, daté du 28 juillet 1781, l’informant que tout se préparait activement pour leur apporter tous les soutiens nécessaires, et ajoutant : “ Je vois avec bien du chagrin la détresse où se trouve le continent américain et la nécessité des prompts secours que vous demandez ”.

Puis De Grasse expliquait que les troupes de la garnison de Saint Domingue, comprenant trois mille hommes d’infanterie ainsi que des canons, prêtées par M. de Lilliancourt, seraient embarquées sur vingt-cinq vaisseaux de guerre, et pourraient partir le 3 août pour atteindre la baie de Chesapeake “ lieu indiqué par Washington, La Luzerne, Barras et vous-même, par ces efforts que je fais, cette expédition ayant été organisée seulement à votre demande, sans être connue et approuvée par les ministres français ni non plus par les espagnols qui m’attendent à la Jamaïque, j’en ai pris l’entière responsabilité pour la cause commune, mais je ne pourrais changer très longtemps les plans de campagne, en employant un si grand corps de troupes. 

A la nuit tombée, tous feux masqués, quelques heures plus tard, l’Aigrette fit une sortie discrète du Cap Français, il fallait échapper à la croisière anglaise qui rôdait entre les îles, atteindre la Havane pour aller chercher les fonds, contre reçu et promesse de gage, puis reprendre au plus vite la mer, pour rejoindre l’escadre au large vers le 16 août, environ à deux lieues au nord de Matanzas, où devrait à ce moment-là se trouver l’armée navale, car entre temps, elle aurait mis à la voile, en direction de l’Amérique.  La frégate longea la côte nord de Saint Domingue pour se confondre avec la haute terre, mais le passage entre les deux îles était très surveillé par les Anglais, dont c’était le trajet pour se rendre à la Jamaïque. Ne pas se faire repérer était la première condition de la réussite.

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La frégate l’Aigrette était le plus rapide bateau de la flotte française, elle avait souvent pris chasse devant les escadres anglaises et en fine boulinière* les avait toujours laissés loin derrière elle. Heureusement poussée par les alizés, la frégate se rapprocha rapidement de Cuba, île occupée et bien défendue par les Espagnols, mais il restait toujours à craindre la venue de corsaires anglais, embusqués derrière un cap.

C’était en effet très risqué, la capture de la frégate pouvait avoir une double conséquence, à l’aller tous les plans de cette vaste concentration des forces navales et terrestres avec de Grasse, Rochambeau, Washington et Lafayette, pour soutenir les insurgés anglo-saxons, en les libérant d’un coup de la puissance anglaise en Amérique, risquaient d’être découverts, et au retour cela risquait d’être encore plus catastrophique, puisqu’il s’ajouterait la prise des fonds, ce qui rendrait impossible d’aller secourir ceux qui attendaient tout de la flotte française… Mais aussi la ruine pour De Grasse qui avait gagé ses propres terres ! 

Une seule voile suspecte se profila à l’horizon, la frégate s’engagea prudemment à l’abri d’une rivière côtière, attendit que tout danger soit écarté, puis elle reprit sa route et vers la fin du troisième jour elle atteignit la Havane.

Dès que les sacs d’or furent à bord, le capitaine monta sur la dunette, appela aux postes d’appareillage et quelques heures plus tard, guidée par un pilote espagnol, la frégate s’élançait à nouveau, tous feux masqués, dans le canal de Floride qui sépare Cuba de la terre d’Amérique.

Ce secteur est largement occupé par les Anglais, mais par-là nulle terre où se cacher, de plus de ci, de là, des feux brillaient, le capitaine ne savait si c’était des pêcheurs ou la croisière anglaise… La frégate filait grand largue, et navigua tout le jour à la rencontre de la flotte française. Quarante vaisseaux s’étirant sur la mer, en un point ou en un autre l’Aigrette devait forcément la couper, mais le danger était toujours le même, celui de tomber sur une escadre anglaise.

Vers minuit l’Aigrette se trouva approximativement au point estimé pour la rencontre avec De Grasse, mais toujours aucune trace de la flotte française, l’inquiétude grandissait et gagnait les marins, on apercevait seulement un peu au sud, les lumières de Matanzas. Lentement l’aube du 17 août se leva, soudain un cri s’éleva de la hune : Escadre droit devant !

Mais quelle escadre ? Etait-ce une escadre anglaise ? Ou française ?  

A travers la brume légère qui recouvrait la mer, on distinguait à peine les hautes mâtures des vaisseaux, et les coques avec les triples rangées des sabords fermés, cependant tous les détails de l’escadre étaient masqués, l’Aigrette s’en rapprocha prudemment, et enfin lorsque le soleil déchira la brume, la pyramide du vaisseau qui arrivait au vent, permit d’y voir flotter à la poupe un immense pavillon fleurdelisé, aux armes du Roi de France. C’était bien l’armée navale du comte de Grasse : L’Aigrette pouvait, sans risque, hisser ses propres couleurs !

A suivre...

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C
Bonjour, c’est la première fois que je viens lire votre blog, mais vraiment j’adore cette partie historique, j’ai lu depuis quelques jours tous les textes de Marie-Hélène Morot-Sir sur la Nouvelle<br /> France.. Que de choses j’ai apprises, sur ces Français partis là-bas.. .. je vais recommander votre blog et cet auteur qui fait partager à vos lecteurs, d’une manière si claire et agréable, son<br /> érudition sur l’Histoire ... les illustrations sont très belles et très intéressantes ..
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J
<br /> <br /> Merci ! Je suis ravi de votre intérêt pour les textes de Marie-Hélène Morot-Sir ! Je vous remercie par avance pour la recommandtion que vous comptez faire !<br /> <br /> <br /> <br />
P
Non seulement j’ai beaucoup appris sur la Nouvelle France depuis que je lis la partie Histoire de votre blog, avec les textes de Madame Morot-Sir, mais aujourd’hui je découvre avec grand intérêt<br /> cette indépendance des colonies anglaises .. moi aussi, comme les commentateurs précédents.. j’attends la suite!
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J
<br /> <br /> Votre impatience me rend très heureux pour Madame Morot-Sir ! Cela montre toutes ses qualités !<br /> <br /> <br /> <br />
A
Quel rendez-vous agréable et passionnant vous nous donnez chaque semaine avec les textes de Marie-Hélène Morot-Sir.. la première partie aujourd’hui nous met l’eau à la bouche pour demain .. car ici<br /> au Québec nous savons très peu de choses sur l’indépendance des colonies anglaises..
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J
<br /> <br /> Je suis ravi de votre intérêt et de votre joie à lire les textes de Marie-Hélène Morot-Sir. Il est vrai que nous en apprenons tant, avec elle et pas seulement vous au Québec, mais nous également,<br /> en France. J'espère que vous aimerez la suite qui sera publiée dès demain.<br /> <br /> <br /> <br />
V
Comment faites-vous pour nous apporter chaque semaine des textes aussi passionnants.. je suis très intéressé par cette indépendance américaine dont j’avoue ne pas connaître grand chose à part,<br /> comme beaucoup, je suppose, le nom si célèbre du Français parti là-bas les aider, la Fayette, j’attends vraiment la suite demain avec une grande impatience.. merci encore une fois à Marie-Hélène<br /> Morot-Sir de ses textes si vivants si bien racontés.. .. et à vous Monsieur Dornac de nous les publier.
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J
<br /> <br /> Nous avons beaucoup de chance, vous comme moi, d'apprendre tant de choses pationnantes grâce à Marie-Hélène Morot-Sir. Merci pour votre enthousiasme !<br /> <br /> <br /> <br />