Les eaux usées du monde politique français

Publié le par jdor

 

Prises dans la masse des informations tragiques, avec le Japon et la Libye, les élections cantonales du premier tour ont un côté sérieusement dérisoire. Pourtant, les enseignements de ce vote ne sont pas négligeables pour plusieurs raisons. Ces élections pourraient engager notre avenir proche, disons, jusqu’en 2012.

http://clementineautain.fr/2011/03/25

abstention.jpgLe premier point, et cela saute aux yeux de tout le monde, c’est le chiffre plus qu’important de l’abstention. Les divers intervenants à la télévision, hier soir, ont cherché, du moins ceux que j’ai entendus, comme d’habitude, à « accuser » l’électorat d’incivisme. C’est un peu facile, convenons-en et montre surtout que les « experts » ne saisissent pas le « ras-le-bol » de la majorité du peuple contre les politiciens. Il pourrait y avoir des surprises de ce type même aux présidentielles de l’an prochain.

La montée du Front National

Si ce parti progresse, il n’en reste pas moins que 85% des électeurs n’ont pas voté pour lui ! Cela, on le dit peu, on l’entend peu sur les ondes. Ce n’est pas « porteur » pour les affaires des médias ni pour celles des autres partis politiques.

Cependant, en ce qui me concerne, je vois la progression de ce parti avec une grande tristesse. Où donc est la France que j’aimais, parmi ceux qui ont fait le choix du Front National ? À mes yeux, il y a le risque de l’apparition, dans les années à venir, d’une France refermée sur elle-même, d’une France lorgnant sur le fascisme, mais encore d’une France xénophobe où nous aurons à endurer mille et mille caricatures sur nos frères humains nés dans d’autres contrées. On peut me dire ce que l'on veut, ça, ce n’est pas la France ! Cela n’aura plus rien à voir avec la France qui, depuis des siècles, s’est constitué et consolidée grâce à l’apport de ces étrangers qu’une part des Français honnis désormais. Et puis, tragique recul qui dit tout sur la mentalité de ce parti d’extrême droite, Marine le Pen, si elle parvenait au pouvoir, ferait tout ce qu’elle peut pour réintroduire la peine de mort. Quel recul ! Quelle horreur ! Aucune nation, aucun pouvoir politique ou judiciaire, voire populaire ne doit avoir droit de vie et de mort sur un humain ! Rien que cette mesure envisagée, montre à quel point ce parti politique est extrémiste en dépit de ses tentatives récentes de camoufler sa vraie nature.

L’UMP et le cas Copé

Le parti du Président Sarkozy s’est donc pris une assez grosse claque, ce dimanche. Pour moi, bien sûr, c’est une excellente nouvelle. La domination de ce parti de droite extrême s’approche peut-être, et enfin, du terminus. Ce qui semble remarquable, mais pas étonnant du tout, c’est que ce sont des électeurs de l’UMP qui font le succès du FN. Selon moi, cela confirme largement que ces gens, bien que proches de Sarkozy, lors des élections de 2007, ces gens qui ont absolument besoin d’un « chef de meute », ont considéré que l’UMP de 2007 et son chef étaient très proches des idées du Front National. La gouvernance brouillonne de Sarkozy depuis son élection les aura rapprochés de Marine le Pen d’autant plus que celle-ci semble plus « civilisée » que son père. Ce sont, sans doute et avant tout, des citoyens qui aiment, voire adorent, l’Ordre avec un grand O. De la liberté des citoyens, notamment des jeunes, ils n’ont que faire.

Et puis, il faut dire qu’avec les petites phrases lancées ces dernières semaines par une députée UMP, Chantal Brunel : « Il faut rassurer les Français sur toutes les migrations de populations qui viendraient de la Méditerranée. Après tout remettons-les dans les bateaux ! », ou encore celle du ministre de l’Intérieur, Claude Guéant : « Les Français, à force d'immigration incontrôlée, ont parfois le sentiment de ne plus être chez eux, ou bien ils ont le sentiment de voir des pratiques qui s'imposent à eux et qui ne correspondent pas aux règles de notre vie sociale. », sont parfaitement dignes du Front National.

Si l’on ajoute le refus de Jean-François Copé d’appeler au vote républicain pour limiter l’avancée du FN lors du second tour, on comprendra que pour un électeur de l’UMP, l’eau de ce parti est tellement trouble qu’ils ne peuvent plus y voir clair et préfèrent choisir le FN qui, lui, est d’une clarté absolue quant aux mesures liberticides et xénophobes qu’il compte prendre en cas de victoire (heureusement hautement improbable) l’an prochain, aux présidentielles.

http://www.lepost.fr/portfolio/2011/01/05

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Sur la prise de position de Copé, on peut l’analyser de diverses manières. Cela peut  être un mouvement de très mauvaise humeur puisqu’en tant que président du parti au pouvoir, il prend tout de même une rude fessée. On peut également y voir, en dépit de ses dénégations, une proximité troublante et dangereuse avec les idées du FN. Mais, pour ma part, je privilégie une autre hypothèse qui colle mieux au personnage. Ce n’est pas un secret, cet homme pense à 2017, autrement dit, cette année-là, il compte bien devenir Président de la République. Cette ambition montre un caractère et un ego lourds. J’ai le sentiment, qu’il fait partie de ces humains prêts à tout pour atteindre le pouvoir. Dans cette logique, il ne peut évidemment pas se mettre les électeurs du FN à dos. S’il ne peut appeler à voter pour Marine le Pen, il peut au moins la favoriser en tentant d’empêcher tout réflexe républicain. C’est donc pour un misérable calcul politicien, selon ce que je comprends, que cet individu est prêt à laisser la porte entrouverte aux loups du Front National. Il n’est ni le premier ni le dernier à pratiquer ce genre d’exercice. Cependant, par de telles pratiques, il peut très bien préparer des jours difficiles, voire tragiques, pour notre pays.

Et le Parti Socialiste ? Bof…

Le drame que vit l’électeur, aujourd’hui, en France, c’est un cruel manque de choix. Les politiciens, y compris ceux du Front National, sont des « vieux chevaux de retour ». Et pour qui suit un peu l’évolution des partis, il devient difficile de faire des différences entre eux. Les deux plus gros blocs sont tous deux adeptes du capitalisme, voire du libéralisme. À partir de là, il n’y a plus de choix clair. Que ce soient les uns ou les autres, ils protégeront le capital, donc les banques, donc la finance et ses marchés au détriment des salariés et des retraités. Ce fut particulièrement clair lors du référendum sur la Constitution Européenne.

http://www.liberation.fr/politiques/0101617575

strauss-kahn.jpgOr, dans ce contexte de brouillage de la politique, on va très probablement nous imposer Dominique Strauss-Kahn comme candidat à la présidence, l’an prochain. Quel symbole de reniement des idées de gauche ! Présenter le Président du FMI à la tête de notre pays et, si risible, sous une étiquette socialiste ! On nous assure que « Dominique » a toujours été socialiste et qu’il l’est toujours. Évidemment, on peut très bien ne pas changer d’étiquette tout en étant le représentant du camp adverse. Mais au final, tout au moins sur le plan économique et social, la politique de Strauss-Kahn ne sera guère différente de celle de Sarkozy.

Alors, à quoi bon voter pour un tel « socialisme » ? Ceux qui le feront, s’ils veulent s’amuser à ça, qu’ils le fassent. Mais c’est se moquer du peuple, de la démocratie et du système électoral. Ce sont de telles pratiques qui finiront par tuer le droit de vote, parce que rares seront ceux qui y croiront encore.

Si nous avions eu à voter, hier, à Paris, je ne sais ce que j’aurais fait. Abstention ? Blanc ? Ou un candidat d’un tout autre camp, puisqu’il m’aurait été impossible de voter pour l’UMP ou le FN, qu’il m’eut été difficile de voter socialiste, par absence de conviction et d’enthousiasme.

L’ère des énarques et de tout ce qui grouille autour d’eux aura réussi à faire perdre la foi des électeurs en leur monde politique. Alors, je ne dirais pas « tous pourris », non, mais je dirais plutôt que c’est un monde sans intérêt, un monde qui ne peut pas amener notre adhésion, un monde, surtout, trop éloigné de notre « vraie vie », celle des exploités, des souffrances au travail, de l’abandon à la misère lors de notre mise à la retraite. Entre les « roublards » et les « fachos », nous voilà bien servis…

Jean Dornac
Paris, le 21 mars 2011

Publié dans 2012

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