S’approcher de l’éternité ?

Publié le par jdor

 

Pour une fois, je vais vous entraîner sur un terrain qui n’est pas politicien, bien qu’à mon avis, tôt ou tard, il le deviendra nécessairement. J’ai souvent entendu ou lu, ces derniers mois, que nombre de chercheurs pensent qu’avec leurs traitements et découvertes, ils nous offriront au moins 120 ans de vie sur cette terre et, ceci, très bientôt. J’en ai même entendu un qui affirmait que « l’éternité sur terre était proche » !

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Si nous nous basons uniquement sur notre instinct de conservation qui, le plus souvent, produit une plus ou moins grosse peur de la mort, nous pouvons être tentés de considérer qu’il s’agit-la d’un progrès immense auquel il faut à tout prix parvenir. C’est un sentiment très humain, parce que nous sommes (peut-être) les seuls « animaux » de cette terre qui avons conscience de notre fin inéluctable.

Il faut pourtant ne pas rester sur ce désir quasi immédiat. Comme en toute chose, il est utile de réfléchir et de peser le pour et le contre. Le « pour » est vite réglé, puisqu’il enlèverait cette peur de la mort qui angoisse la majorité des humains ne subissant pas un état dépressif grave. Il en va tout autrement, pour le « contre »…

Les conséquences, si nous atteignons 120 ans ou plus

Elles sont évidemment nombreuses. Sur le plan économique et social, cela poserait d’énormes problèmes. Il ne faut surtout pas imaginer, si nous pouvions atteindre de tels âges, que le temps de la retraite resterait aux environs de 65 ans. Ce serait économiquement insupportable pour n’importe quel pays. Admettons qu’une majorité atteigne 120 ans, à mon avis, l’âge de la retraite passerait à 100 ans. On nous accorderait, sans doute, une vingtaine d’années pour compenser les 70 ou 75 ans de travail. Évidemment, cela pourrait se faire, mais à la condition que notre santé nous permette de travailler jusqu’à un tel âge. Mais, psychologiquement, hormis quelques rares privilégiés des professions passionnantes, qui donc pourrait supporter l’idée d’être soumis à une telle durée de travail ? Il faut tout de même réaliser que 40 de plus dans le travail, tel qu’il est conçu dans la société néolibérale dont nous souffrons aujourd’hui, c’est 40 ans d’esclavage supplémentaires !

Ce n’est pas pour autant que le monde patronal, je pense notamment aux multinationales, serait prêt à payer plus équitablement les salariés. L’idéologie qui consiste à payer grassement, jusqu’à des niveaux proprement indécents, le monde des dirigeants au détriment des salariés, ne cesserait pas pour autant. Pour le plus grand nombre de salariés, dans tous les pays du monde, ce ne serait qu’une longue période de misère supplémentaire.

Une telle possibilité serait-elle psychologiquement tenable ?

Je ne sais pas si vous avez déjà tenté d’imaginer ce que pourrait être une existence éternelle ou très longue. Je suis prêt à parier que pour beaucoup, l’ennui s’installerait de façon récurrente. Les ressources mondiales ne seraient pas suffisantes pour que chaque humain puisse avoir tout ce qu’il désire, tout ce qui, en fait, lui permet de ne pas devenir dépressif.

http://fridaymoviez.com/hollywood/movies/zardoz

zardoz-original.jpgPeut-être avez-vous vu un film qui s’appelle « Zardoz » avec dans le rôle principal Sean Connery. Le monde dans lequel il s’introduit par effraction est une société dont tous les membres sont éternels, grâce à une technique scientifique. On se rend très vite compte, que les « bénéficiaires » ne sont pas très heureux de ne pas pouvoir mourir. Le héros réussit à détruire la machine et la plupart des « éternels » l’implorent de leur offrir la mort.

Ce qui est terrible et même effrayant pour nous humains, c’est que la vie n’a de sens qu’au travers de la mort. Nous sommes ainsi faits, ainsi conditionnés par la nature ou Dieu ou toute autre chose indépendante de nous-mêmes. Par conséquent, je ne doute pas que si nous parvenions à l’immortalité possible, tout en ayant encore la capacité de mourir, nombreux seraient ceux qui, à un moment ou un autre, choisiraient le suicide. Cela deviendrait même une épidémie mondiale.

Seuls tiendraient, à mon avis, les plus égoïstes, les plus profiteurs. Les autres, la grande masse, s’effondreraient…

Signification du choix d’aller vers le très grand âge

À mes yeux, la signification la plus évidente, si nos sociétés allaient dans le sens d’un tel choix, serait le développement d’un égoïsme mortel tel qu’aucune époque de la vie humaine n’en avait encore connu.

http://www.france-maison-de-retraite.org

vieux-maltraite.jpgFaire un tel choix, sur une terre dont nous savons parfaitement que ses ressources sont désormais très limitées, revient à faire un choix de riche qui veut tout s’accaparer. Pour que la planète supporte une telle génération, peut-être deux ou trois d'affilée, il faudrait soit tourner définitivement le dos aux pauvres de ce monde, quitte à les affamer ou les massacrer dans les guerres à venir, soit ne plus avoir d’enfants et, à tout le moins, avoir une réglementation draconienne encore pire qu’en Chine sur le contrôle des naissances. Mais il serait radicalement impossible de nourrir ces générations qui ne voudraient pas mourir et des générations nouvelles. Il n’y aurait donc plus d’enfants, plus d’espérance, plus de joie, plus rien qu’une vie tournée lamentablement sur soi.

Faire un tel choix, reviendrait à sacrifier inévitablement les générations à venir, en fait, cela reviendrait à leur interdire de venir « prendre » les ressources que nous considérerions comme strictement les nôtres.

Un peu d’humour noir pour finir

J’ai conscience que mon analyse de ce jour n’est pas follement gaie. Mais la question se pose réellement puisqu’un certain nombre de chercheurs veulent nous amener à cette possibilité.

Juste pour vous faire peur dans un sourire très, très jaune, je terminerai en vous posant la question suivante : « Imaginez-vous une France dirigée par Sarkozy durant au moins dix mandats, le grand âge le lui permettant ? » De quoi devenir fou, pour de bon ! Non ?

Jean Dornac
Paris, le 8 mai 2011

Publié dans Réflexions

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